Les obstacles pour les entreprises étrangères qui envisagent d'entrer sur le marché de l’alimentation américain sont importants et complexes, mais ils ne sont pas insurmontables ; c’est en ces termes qu’une équipe d’avocats de Goodwin US a présenté sa perception du marché à un groupe de sociétés du secteur alimentaire invitées dans les locaux new-yorkais de Business France.
« Les lois sur les produits alimentaires aux États-Unis sont complexes et ont récemment évolué » indique Joanne Gray, coprésidente du département Food + Healthy Living de Goodwin aux Etats-Unis. « Dès lors, comment faire entrer des produits aux États-Unis ? Comment savoir s’ils sont protégés ? Comment savoir s’ils sont d’une qualité irréprochable ? Et comment protéger une marque ? »
Business France, l’agence publique nationale au service de l’internationalisation de l’économie française, a convié des entreprises françaises de l’alimentaire et d'autres secteurs à présenter leur offre et à se familiariser avec les subtilités de la réglementation sur les produits alimentaires aux États-Unis. Fred Rein, associé au sein du groupe IP Litigation et des départements Israël et Tech/Life Sciences, a contribué à faciliter la participation de Goodwin à cet événement, réaffirmant si nécessaire le fort engagement du cabinet dans les relations économiques franco-américaines déjà souligné par l'ouverture du bureau parisien l'année dernière. Goodwin était également représenté par Tom Meriam, coprésident du département Food + Healthy Living et membre du groupe Private Equity du cabinet aux Etats-Unis et Chad Higgins, counsel au sein du département Contentieux et membre du groupe responsabilité du fait des produits et contentieux collectifs (Products Liability + Mass Torts group).
Selon Joanne Gray le plus gros risque pour les entreprises du secteur alimentaire à l'heure actuelle est l’altération des produits et, tout particulièrement, lorsque la falsification obéit à une logique de profit ; ce que les américains appellent economically motivated adulteration. Elle précise que cela peut prendre différentes formes : omission d’un ingrédient ou remplacement abusif par un autre ou, encore, ajout d’une substance qui n’a pas lieu d’être. Il se peut aussi qu'un produit inférieur soit substitué à un produit de qualité. Quelle que soit la méthode, c’est une pratique qui met la marque en danger.
L'entreprise peut tout à fait ne pas être au courant de l'altération. Cependant, si un fournisseur rogne sur la qualité d’un produit pour réduire les coûts, cela peut entraîner un retard d’expédition de plusieurs semaines ou de plusieurs mois, voire même provoquer le refoulement du produit à la frontière américaine.
MESURES DE PROTECTION
Aux États-Unis, l'impact de l’altération de produits pour des logiques de profit est estimé entre 10 et 15 milliards de dollars chaque année. Bien que les fraudes n’aient pas toujours une incidence sur la santé des consommateurs, elles affectent les résultats financiers du fabricant. Il existe toutefois des moyens de protéger un produit et la réputation d’une marque : « vous devez pouvoir faire confiance à vos fournisseurs et vous devez surtout apprendre à les connaître, ainsi que les fournisseurs de vos fournisseurs. Ce qu’il vous faut, c’est un contrôle de toute la chaîne, de la ferme à la fourchette de vos clients » indique encore Joanne Gray. « La traçabilité est la clé : si un de vos fournisseurs ne veut pas vous dire où lui-même se fournit, c'est un gros signal d’alarme. »
Elle suggère de conclure des contrats avec les fournisseurs plutôt que d'utiliser de simples bons de commande et ajoute « un fournisseur qui refuse de signer un bon contrat avec une clause d’indemnisation pour tout produit n’ayant pas la qualité requise est typiquement susceptible de rogner sur la qualité ; prenez-en un autre. »
Assurez-vous également de connaître toutes les procédures d'exploitation normalisées de vos fournisseurs et vérifiez que leurs employés y sont régulièrement formés. En cas d’échec suite à un contrôle et nécessité de rappeler un produit, Joanne Gray souligne qu'une bonne police d'assurance de rappel s’avéra précieuse.
NOUVELLE RÉGLEMENTATION SUR L’IMPORTATION DE PRODUITS ALIMENTAIRES
Le nouveau réglement américain de vérification des fournisseurs étrangers (Foreign Supplier Verification Program, FSVP), entré en vigueur récemment, vise à inciter les entreprises à être proactives. Il exige qu’elles prennent des dispositions en amont pour éviter les altérations, plutôt que d’y réagir. « C’est un processus d’adaptation. Des changements vont avoir lieu et chacun doit être proactif et flexible pour s'adapter » indique Chad Higgins. « Les importateurs doivent effectuer une analyse des risques. Ils doivent évaluer les risques spécifiques posés par les aliments et examiner les performances passées des fournisseurs étrangers, ainsi que les mesures correctives que le fournisseur a pu avoir eu à prendre. Les importateurs doivent s'assurer que les aliments qui arrivent aux États-Unis respectent les normes de sécurité américaines ; c’est une responsabilité qui leur incombe. »
La liste des risques potentiels est longue et détaillée : parasites, bactéries pathogènes, risques chimiques et radiologiques, pesticides, toxines naturelles, décompositions alimentaires, résidus de médicaments, emballage et étiquetage, stockage, hygiène des employés, altérations en vue de profits, pour n’en citer que quelques-uns. L’entreprise peut effectuer une analyse de conformité FSVP elle-même ou faire appel à un tiers, par exemple un cabinet d'avocats ayant une expertise en matière de réglementation alimentaire. Toutefois, le nombre d'analyses peut rapidement devenir exponentiel selon la taille du fabricant de produits alimentaires. Chad Higgins précise en effet : « le fabricant doit effectuer une analyse de conformité FSVP pour chaque aliment à importer aux États-Unis et pour chaque fournisseur d'ingrédients pour cet aliment. »
QUAND FAIRE APPEL À UN CONSEIL?
Dans le cas malheureux d'un rappel de produit, il est important d'agir rapidement. Il faut alerter l’équipe en charge, appeler ses avocats et mobiliser ses relations publiques.
Joanne Gray indique que « les procédures de rappel doivent être opérationnelles et prêtes à être déployées. Elles doivent être testées en amont et il faut les appliquer dès que l’on sait que le rappel aura lieu. Si possible, il faut arrêter la distribution du produit avant qu'il ne parvienne au consommateur. Dans le cas d’un produit stoppé chez le distributeur avant qu'il n’arrive en magasin, la FDA, l’agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, n’exige pas la publication d’un communiqué de presse à l’attention des consommateurs ; la réputation de la marque reste intacte. On voit combien agir rapidement dans ce cas est crucial. »
Dans le cadre de fusions/acquisitions, Goodwin est régulièrement appelé à vérifier qu'une entreprise cible potentielle respecte toutes les exigences du FSVP et à s’assurer que toutes les procédures sont en place. Tom Meriam déclare : « que nous représentions les acheteurs ou les vendeurs, nous pouvons suivre toutes les vérifications. Et pour les cas où ces obligations ne sont pas remplies, cela représente un levier dans les négociations. »