Le marché américain de la propsci (property sciences) est de très loin le plus important et le plus mature avec des acteurs incontournables comme Alexandria Real Estate. Le marché européen est naissant et, comme souvent dans le monde la santé, débute par le Royaume-Uni et les pays nordiques. En 2021, 445 millions de dollars ont été investis au Royaume Uni (dont notamment l’acquisition par la joint-venture Harrison Street et Trinity IM d’un portefeuille de 12 actifs propsci dans des bio parcs) et 222 millions de dollars au Danemark.
En France, le marché ne semble pas encore être actif quand bien même l’intérêt des investisseurs immobiliers pour le secteur de la propsci s’est accru. Ces marques d’intérêt s’expliquent d’une part par l’attention portée aux investissements dans la R&D pour les sciences de la vie en suite de la pandémie liée à la COVID-19, et d’autre part, par une réflexion autour de la transformation d’immeubles de bureaux.
L’écosystème français des startups en santé a fortement évolué au cours de ces dernières années mettant la lumière sur nombre d’entre elles et laissant place à des acteurs plus matures dont les besoins immobiliers ne sont pas ou peu satisfaits à ce stade. Le plateau parisien (Génopole à Evry, Paris Saclay, Biocitech à Romainville) en est d’ailleurs un bon exemple quand bien même le phénomène s’observe également en province comme à Marseille, Lyon, Strasbourg, Bordeaux ou Nantes).
Les jeunes start-up, avant leurs premières levées de fond, s’établissent généralement dans des pépinières situées au sein d’hôpitaux ou d’instituts spécialisés, comme Paris Santé Cochin, ou Paris-Salpêtrière.
Au fur et à mesure qu’elles lèvent des fonds et se développent, se pose pour elles la question de leur hébergement et de leurs locaux. On observe que leurs besoins et demandes évoluent avec leur maturité.
Ainsi les jeunes starts up (en amorçage ou Series A*) cherchent souvent à s’établir dans un incubateur à proximité d’un centre hospitalier, d’une université ou d’un établissement d’enseignement supérieur et de recherche. Dans la plupart des cas, elles ne pourront y rester que deux ou trois ans. On citera à titre d’exemples Agoranov dans le 6ème arrondissement de Paris ou Paris Innovation Boucicaut.
Aujourd’hui la demande pour Paris intramuros semble largement dépasser l’offre.
Un grand nombre de ces incubateurs ont été lancés et financés par des fonds publics, pour certains avec le concours d’industriels ou groupes pharmaceutiques (cluster Paris-Saclay). Quelques rares incubateurs ont vu le jour plus récemment à l’initiative de fonds d’investissement privés spécialisés en tech-biotech (comme le Passage de l’Innovation à Bastille financé par le fondateur du fond iBionext).
Ces jeunes start-up cherchent dans ces incubateurs la souplesse d’occuper plus d’espaces selon le rythme de leur croissance, les équipements et plateformes technologiques ainsi que les services (services juridiques, services marketing/presse, etc.).
Les contrats mis en place dans ce cadre sont des contrats de services avec mise à disposition d’espace. Leur durée varie habituellement entre 24 et 48 mois avec, dans certains cas, la possibilité que négocie l’hébergeur de mettre fin au contrat de manière anticipée dans l’hypothèse où la start-up ne réalise pas sa levée de fond suivante dans un délai déterminé.
Les start-up plus matures (Series B ou Series C) recherchent des locaux de surface plus importante qu’elles trouvent dans un marché locatif tertiaire plus habituel et signent des baux commerciaux de neuf ans avec possibilité de libérer les locaux au bout de trois et de six ans.
La demande à Paris semble largement dépasser l’offre disponible. L’immeuble Biopark dans le 13ème, arrondissement, spécialisé dans le secteur des sciences de la vie, a été rapidement entièrement loué.
Les fonds d’investissement dédiés aux sciences de la vie relèvent l’importance de la localisation des sièges de leurs jeunes entreprises. Selon eux, une localisation à Paris intramuros proche de pôles d’enseignement supérieur ou industriels est une condition sine qua none pour attirer les talents et notamment les chercheurs étrangers.
Dans un contexte où le vieillissement de la population, l’évolution de la recherche scientifique, l’émergence d’un écosystème de startup santé françaises sont autant de facteurs qui devraient faire croître le marché des entreprises et fonds spécialisés en science de la vie, il est fort probable que de plus en plus d’investisseurs immobiliers s’interrogent sur l’opportunité d’investir dans cette nouvelle classe d’actifs immobiliers appelée propsci (en écho à la proptech).
Notre analyse du marché français de la propsci est que les investisseurs immobiliers connaissent encore peu les acteurs des sciences de la vie, leurs besoins, leurs modes de croissance, leur écosystème. Ils sont toutefois de plus en plus intrigués par cette classe d’actifs, constatant notamment le fort intérêt de ce secteur aux Etats-Unis pour des investisseurs internationaux (Blackstone, KKR, Lasalle), la stratégie axée sur la démographie et la santé et l’augmentation rapide du financement du capital-risque.
Plusieurs stratégies d’investissement seront possibles : une stratégie d’achat de plateforme opérationnelle dédiée au secteur des sciences de la vie, une stratégie de construction d’actifs immobiliers ce qui suppose un partenariat avec des entreprises ou promoteur aguerris à ce type d’actifs. Le défi sera enfin la bonne localisation : le succès de cette classe d’actifs dépendant très fortement de son écosystème.
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Anne-Charlotte Rivière
Associée